
À l’occasion de l’ouverture générale de la chasse en Wallonie le 1er octobre, c’est une phrase qu’on entend sur toutes les lèvres des représentants du monde de la chasse : ils se revendiquent “gestionnaires de la faune sauvage”. Pourtant, lorsqu’on constate la prolifération des sangliers et l’accroissement des populations de cervidés, on peut légitimement remettre en question l’efficacité de la chasse comme outil de régulation de la grande faune sauvage. Mais alors, pourquoi ces mauvais résultats et comment y remédier ?
En 30 ans, les populations de grand gibier dans nos régions ont triplé pour le sanglier et doublé pour le chevreuil et le cerf.
Une telle croissance des populations de grand gibier cause un déséquilibre tant au niveau des forêts, pour lesquelles la régénération naturelle et la rentabilité sont mises à mal, qu’en zone agricole où les ravages ont été évalués à une moyenne annuelle de près de 812 000 € sur la période 2020-2022. Les surdensités observées localement causent également des atteintes insupportables à la biodiversité, occasionnent des risques liés à la peste porcine africaine (survenue en 2018-2019 en Wallonie) et représentent aussi un vrai danger de sécurité routière en zones périurbaines.
Le chasseur, à qui l’on confiait la mission de réguler les populations là où leur densité pose problème, a échoué dans ce rôle pourtant revendiqué comme d’intérêt collectif et dont il se sert pour justifier une activité qui est devenue, en réalité, un loisir individuel pratiqué au détriment d’une partie de la faune sauvage.
Au vu de l’effort financier élevé consenti par les chasseurs – pouvant aller jusqu’à 5000€ la journée sur certains territoires (Tchak, 2025) – nul doute que le gestionnaire veille avant tout à garantir un tableau de chasse intéressant pour ses locataires, et que le rôle de maintien de l’équilibre faune-flore passe dans un second plan dans certains territoires de chasse. Même si le législateur wallon a progressivement adopté des mesures pour limiter les dérives de la chasse-gestion (mise en place du plan de tir pour le cerf, interdiction de chasser en territoire clôturé…), cette marchandisation de la chasse explique à elle seule pourquoi de nombreux territoires de chasse maintiennent volontairement des populations surdensitaires de gibier.
Ces constats soulignent l’urgence de repenser le rôle et les pratiques de la chasse pour en faire un véritable outil de gestion durable de la faune sauvage. Une gestion adaptative apparaît comme une solution pertinente : elle consiste à ajuster localement les prélèvements selon les dégâts constatés et la productivité animale, en associant l’ensemble des acteurs concernés (forestiers, agriculteurs, chasseurs, naturalistes…) dans la fixation des quotas. Une telle approche suppose également un changement de mentalité chez les chasseurs, appelés à accepter la variabilité des prélèvements et la primauté de l’intérêt général plutôt qu’une rentabilité financière.
Depuis plusieurs années, la Région wallonne répond à cette problématique en prolongeant les périodes de chasse, au détriment de l’intérêt collectif de tous les autres usagers de la forêt. Le collectif demande à la Ministre de la Chasse Anne-Catherine Dalcq de s’inspirer de l’exemple du Luxembourg : sa Loi sur la chasse, entièrement réécrite en 2011, consacre la faune comme bien commun (res communis) et en confie la gestion à un conseil consultatif dans lequel administrations, secteurs agricole, forestier, environnemental et chasseurs siègent à parts égales. Une telle réforme, fondée sur l’équilibre et la transparence, montre qu’un autre modèle est non seulement possible, mais indispensable.
Notre collectif, regroupant plus de 80 associations a pour but de faire évoluer la loi sur la chasse afin qu’elle prenne en compte les diverses sensibilités de la société (bien-être animal, biodiversité, activités socio-récréatives en forêt).
Associations fondatrices :