
Depuis plusieurs années, l’ensemble de la société admet que les animaux sont des êtres sensibles possédant des besoins spécifiques. Pourtant, les lâchers massifs continuent d’être pratiqués sans respect du bien-être animal et en dépit d’une très faible acceptation sociale.
Le lâcher de tir, peu importe le nombre d’oiseaux lâchés, peut heurter la sensibilité de personnes qui estiment que cette pratique ne respecte pas le bien-être animal.
Le décret du 4 octobre 2018, relatif au Code wallon du bien-être des animaux, précise que l’animal est un être sensible qui possède des besoins qui lui sont spécifiques selon sa nature. Ce décret vise à protéger la sensibilité et à assurer le bien-être de l’animal. Il n’aborde pas spécifiquement le sujet des lâchers de tir. A notre connaissance, le Conseil wallon du bien-être animal ne s’est pas davantage prononcé sur le sujet à ce stade.
En l’absence de références wallonnes ciblées sur le bien-être des oiseaux destinés aux lâchers de tir, il est intéressant de prendre connaissance de ce qui se pense ailleurs en Europe.
En 2005, le Conseil norvégien pour l’éthique animale a publié une déclaration abordant notamment la question des lâchers de tir. Selon cet organisme, du point de vue du bien-être des animaux, il peut être discutable de relâcher dans la nature du gibier élevé. Le Conseil estime que la peine infligée à un animal doit être mise en balance avec les avantages qui en découlent pour les humains. Il juge que l’utilisation d’animaux à des fins récréatives ne peut pas être considérée comme d’une importance vitale pour l’homme. Il conclut que la chasse ne doit pas être autorisée l’année même du lâcher et se prononce donc contre les lâchers de tir.
Selon les auteurs d’une étude britannique (Feber et al. 2020), les préoccupations éthiques liées aux lâchers de tir concernent :
1. la phase d’élevage – Avant même son importation, les conditions d’élevage du gibier soulèvent les mêmes enjeux en termes de bien-être animal que l’élevage industriel : un stress permanent dû à la détention et aux surdensités en cage, des blessures que les éleveurs essaient d’éviter avec l’usage de dispositifs anti-picage, des risques sanitaires, etc;
2. la phase de vie en liberté : les résultats de nombreuses études, notamment françaises, ont montré que les oiseaux issus d’élevage étaient mal adaptés à la vie sauvage sur les plans anatomique, physiologique et comportemental (Bro et Mayot, 2006). Cela entraine des risques accrus de famine, de maladie et de prédation. Une fois lâchés, les animaux “sauvages” (n’ayant plus d’instinct de survie), sont tirés par milliers, blessés pour certains et condamnés à périr en souffrance. Jahren et al. (2023) évoquent en plus des préoccupations relatives à la phase de transport des oiseaux entre les volières d’élevage et les sites de lâchers. Ils rappellent par ailleurs que la question du bien-être des perdrix et faisans d’élevage reste largement sous-étudiée.
Les prises de position se succèdent depuis une vingtaine d’années au moins en Wallonie, au sein du monde de la chasse comme en dehors de ce dernier. De nombreuses voix se sont fait entendre pour qu’un nouveau cadre au sujet des lâchers de tir voie le jour.
Une enquête menée en 1993 par le Groupe de Sociologie wallonne montre que :
Canopea (anciennement fédération Inter Environnement Wallonie – IEW) s’est notamment positionnée en 2002, mais également en 2016 (Canopea, 2002 et 2016). Elle plaide pour l’interdiction de tout lâcher, excepté pour des projets de repeuplement.
Fin 2003 déjà, le Parlement wallon votait à l’unanimité une résolution qui contenait notamment le principe suivant (Parlement wallon, 2003) : « Il n’y a chasse que quand l’animal chassé est un animal sauvage capable de se défendre ayant pu se développer, se déplacer, s’alimenter et se reproduire dans des conditions naturelles. »
Le ministre Lutgen (en charge de la chasse), le 23 novembre 2005, a enjoint la D.G.R.N.E. de constituer un groupe de travail de manière à envisager :
La Déclaration de politique régionale wallonne de 2009 indique que l’action du Gouvernement visera à restreindre le lâcher d’espèces menacées et privilégier, pour le petit gibier, la sauvegarde des populations sauvages.
Notre collectif Stop Dérives Chasse, représentant un panel d’associations et créé le 1er mai 2019, a défendu devant le Parlement wallon en 2022 les recommandations faites en 2004 par le Parlement lui-même, mais jamais mises en œuvre.
En 2023, c’est des chasseurs eux-mêmes que venait une impulsion progressiste vis-à-vis de certaines pratiques déviantes. Une quarantaine de représentants du monde de la chasse (conseils cynégétiques, Royal St-Hubert Club de Belgique, Ligue des Chasseurs, section « chasse » du Pôle Ruralité, etc.) ont ainsi signé et envoyé un courrier demandant notamment l’arrêt des lâchers de tir au Ministre Willy Borsus.
À la fin de l’année 2023, c’était au tour de Georges-Louis Bouchez, président du MR, de réagir sur la questions des lâchers massifs pour le tir suite à l’interpellation d’une riveraine de la commune de Clavier : “ À ce titre, et pour répondre à votre question, les seuls lâchers qui ont notre faveur sont ceux qui ont pour but le repeuplement. ”
En marge des élections régionales de juin 2024, tous les partis interrogés par le collectif Stop aux Dérives de la Chasse (PTB, PS, Ecolo, DéFI, Engagés et MR) se sont positionnés contre les lâchers massifs d’oiseaux d’élevage pour le tir. Malheureusement, la Déclaration de Politique Régionale parue en juillet ne promet aucune mesure concernant ces pratiques.
Enfin, c’est la principale association de chasseurs en Belgique elle-même, le Royal Saint-Hubert Club de Belgique (RSHCB), qui a publié en mai 2024 la “charte belge pour une chasse respectueuse” (RSHCB, 2024) où certains principes liés aux lâchers massifs de petit gibier sont cités :
Notre collectif, regroupant plus de 80 associations a pour but de faire évoluer la loi sur la chasse afin qu’elle prenne en compte les diverses sensibilités de la société (bien-être animal, biodiversité, activités socio-récréatives en forêt).
Associations fondatrices :