Les lâchers massifs de faisans amplifient la propagation de la maladie de Lyme

Une nouvelle étude, publiée dans Ecology Letters  et menée par l’Université d’Exeter et l’Agence britannique de sécurité sanitaire (UKHSA), a révélé que les tiques dans les forêts où des faisans ont été relâchés étaient près de 2,5 fois plus susceptibles de porter Borrelia (un genre de bactérie dont plusieurs espèces peuvent provoquer la maladie de Lyme) par rapport aux sites voisins sans lâchers de faisans.

Des lâchers démesurés mais des impacts pourtant peu étudiés

Au Royaume-Uni, environ 47 millions de faisans communs (Phasianus colchicus) sont relâchés chaque année pour la chasse récréative. La biomasse des faisans à la fin de l’été est estimée équivalente à celle de tous les oiseaux nicheurs indigènes du Royaume-Uni réunis (Blackburn et Gaston 2021), mais les impacts écologiques de ces lâchers sont encore mal connus.

Une conséquence potentielle des lâchers de faisans est l’amplification des agents pathogènes zoonotiques, en particulier Borrelia burgdorferi. Cette bactérie est l’agent causal de la maladie de Lyme, la zoonose la plus répandue dans l’hémisphère nord. Les faisans peuvent héberger des centaines de tiques, vecteur de B. burgdorferi, et des expériences menées en captivité ont démontré que les faisans peuvent contracter et transmettre B. burgdorferi en portant ces tiques. 

L’impact des lâchers de faisans sur l’abondance des tiques et la présence de Borrelia sp., dans des contextes écologiquement pertinents, n’avait pas encore été quantifié.

Les faisans sont également importés en grand nombre en Wallonie :

environ 630 000 faisans importés en 5 ans

L'effet de "spillback"

Les espèces non indigènes peuvent introduire des agents pathogènes provenant de leur aire de répartition d’origine chez de nouveaux hôtes (« spillover »), amplifier les agents pathogènes indigènes (« spillback »), ou modifier la dynamique des maladies en changeant la composition des communautés d’hôtes/vecteurs indigènes.

Bien que le spillback soit un mécanisme fréquent, il est mal connu car difficile à prouver. Pour qu’un vrai spillback ait lieu, l’espèce introduite doit attraper et transmettre efficacement le pathogène local. Comme ces espèces peuvent aussi modifier les écosystèmes, il devient compliqué d’évaluer leur impact. D’où la nécessité de mesurer précisément le nombre de cas dans les hôtes et vecteurs locaux, ainsi que leur abondance, surtout si la maladie est transmise par un insecte ou un acarien.

25 territoires de chasse étudiés

Pour ce faire, les chercheurs ont sélectionné 25 territoires de chasse dans le sud-ouest de l’Angleterre, où des faisans sont relâchés pour la chasse.

Dans chaque zone, au moment où l’activité des tiques est la plus élevée (10 mai au 16 juillet), ils ont comparé :

  • des bois où des faisans ont été relâchés (46 « release woods »)

  • avec des bois voisins sans faisans (43 « control woods »), situés à 1–2,5 km de distance, hors de la portée normale de déplacement des faisans.

Ces sites présentaient des conditions locales similaires (climat, type de forêt, etc.), ce qui a permis de contrôler les facteurs externes et de mieux isoler l’effet des faisans.

Dans chaque bois, les chercheurs ont effectué un échantillonnage standardisé des tiques, en utilisant la technique du « drag » :

  • Ils ont traîné un drap de coton blanc de 1 m² sur la végétation basse, sur 10 transects de 5 m chacun (= 5 m² par drag × 10 = 50 m² total par bois).

  • Tous les tiques nymphes et adultes attrapés étaient conservés dans de l’alcool à 97 %, puis identifiés et comptés.

Pour éviter d’attribuer à tort les différences observées aux faisans, ils ont mesuré :

  • La taille du bois (en m²)

  • La hauteur de la végétation, le type d’arbres (feuillus ou conifères), le taux de sol nu

  • La température au moment du prélèvement

  • La position du prélèvement (en lisière ou à l’intérieur du bois)

  • La date de collecte, pour prendre en compte la saisonnalité

Ces variables ont été intégrées dans les modèles statistiques afin de neutraliser leur influence et focaliser l’analyse sur l’effet des faisans.

Plus de tiques... et les tiques plus souvent infectées

Dans les bois avec faisans, il y avait le double de tiques adultes par rapport aux bois témoins (110 contre 54), même si les nymphes (les plus petites tiques) restaient en nombre similaire.

Mais ce n’est pas tout : les tiques étaient aussi bien plus infectées. En moyenne, les tiques des bois avec faisans présentaient une prévalence de Borrelia 2,45 fois plus élevée, soit une augmentation de 144,6 % du risque d’infection. Une preuve concrète que ces oiseaux non indigènes amplifient un danger existant, plutôt que de l’introduire.

La bactérie la plus propagée : un danger pour le cerveau

Parmi les différentes espèces de Borrelia analysées, c’est Borrelia garinii qui est la plus concernée par cette amplification. Elle représente 51 % des infections détectées dans l’étude, et c’est aussi celle qui provoque des atteintes neurologiques chez l’humain (neuroborréliose de Lyme). Cette souche est spécialisée chez les oiseaux, ce qui explique qu’elle explose dans des bois où les faisans sont relâchés.

À noter : une autre souche, Borrelia valaisiana, est également amplifiée (surtout chez les tiques adultes) par les lâchers de faisans, mais pas Borrelia afzelii, qui est pourtant la plus courante chez les rongeurs. Cela renforce l’hypothèse que les faisans eux-mêmes sont directement impliqués dans cette transmission.

Des impacts écologique en cascade

Si les impacts écologiques et sanitaires des lâchers massifs de faisans pour le tir étaient déjà bien établis concernant notamment la grippe aviaire, l’étude a mis en évidence d’autres conséquences sur le biotope concerné par les lâchers.

Les faisans ne modifient pas seulement le nombre de tiques. Ils peuvent aussi changer la végétation, attirer des prédateurs, ou prédater des espèces d’invertébrés. En plus, les chasseurs leur fournissent jusqu’à 24 tonnes de nourriture par an, ce qui attire d’autres animaux, et donc d’autres hôtes pour les tiques. Bref, ces lâchers massifs provoquent des changements en chaîne dans tout l’écosystème, qui peuvent favoriser la prolifération des tiques infectées.

Une réelle enace sanitaire locale

L’étude a été menée dans un rayon de 1 à 2,5 km autour des enclos de lâcher, car c’est la distance habituelle que parcourent les faisans après leur libération. Mais dans certains cas, si la nourriture manque ou si la forêt est bien connectée, ils peuvent aller plus loin. Le risque pourrait donc s’étendre au-delà des zones de chasse, et toucher promeneurs, habitants et travailleurs forestiers bien au-delà du périmètre prévu.

Cette étude montre clairement que les lâchers massifs d’oiseaux non indigènes pour la chasse peuvent augmenter le risque de maladies chez l’humain. Selon le principe de précaution de la gouvernance environnementale, il est urgent d’interdire cette pratique en tenant compte de ses effets sanitaires, et pas seulement de ses enjeux économiques ou récréatifs.

Références

  • Michels, E., Hansford, K., Perkins, S.E., McDonald, R.A., Medlock, J.M. and Tschirren, B. (2025), The Release of Non-Native Gamebirds Is Associated With Amplified Zoonotic Disease Risk. Ecology Letters, 28: e70115. https://doi.org/10.1111/ele.70115

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