Un billet d’humeur écrit par Monsieur Guy Paternotte, paru dans le numéro 24 de février de la revue « Chasse & Nature » du Royal Saint-Hubert Club de Belgique illustre parfaitement l’aversion qu’ont la plupart des chasseurs envers le loup.
Il y a quelques années encore, ceux-ci justifiaient leur activité auprès du grand public par la nécessité de réguler les ongulés en l’absence de grands prédateurs. Maintenant que les loups reviennent naturellement et font leur travail, ils sont obligés de sortir le seul argument qui leur reste, le volet financier. Les communes et la Région vont, dit-il, y perdre de l’argent à cause du loup par la baisse des revenus de location de chasse. C’est peut-être vrai, sauf que Monsieur Paternotte fait l’impasse sur les pertes de rendement sylvicole et donc de revenus par manque de régénération et par écorçage de résineux dans nos forêts bien dégradées par les surpopulations d’ongulés. Il a été démontré que dans les secteurs des plus hautes densités, la perte sylvicole égalait, voire dépassait les revenus de chasse ! Que dire aussi des 900 000 euros de dégâts annuels à l’agriculture !
D’autres chasseurs insistent, eux, sur les énormes (à tempérer !) indemnisations dues par la Région wallonne aux agriculteurs lésés par la prédation du loup, etc … alors qu’en 2023, grâce au plan loup et à ses méthodes de prévention, la prédation sur les animaux d’élevages a baissé de 38% par rapport à 2022 et ce, malgré une population de loups en expansion. Cela démontre bien que vivre en harmonie avec le loup est parfaitement possible pour tous.
Ce qui se passe, c’est que le chasseur a toujours considéré le gibier, juridiquement « res nullius » comme « sa » propriété. Il se sent lésé et ne peut tolérer ce nouveau concurrent qu’est le Loup qui s’est installé naturellement chez nous depuis 2016.
Beaucoup d’arguments venant des milieux de la chasse tant belges que français frisent la désinformation. Ainsi, Monsieur Paternotte dans la revue du RSHCB limite le territoire des trois meutes des Hautes Fagnes à 13 000 hectares. En réalité, après nous être renseignés auprès des scientifiques qui gèrent le Plan loup, il faut plutôt parler de 55 000 hectares côté belge auxquels s’ajoutent plusieurs milliers d’hectares côté allemand. Cela dilue fortement la prédation du loup par rapport à son analyse faite avec bien peu de rigueur. D’après l’auteur, il y aurait une prédation annuelle de +/- 25 tonnes de gibier qui leur serait donc « volé » si on suit son raisonnement. Il parle de « manque à gagner important pour les chasseurs et les entreprises qui transforment les venaisons ». C’est un argument lourdement exagéré et qui ne couvre que l’aspect financier. Il est vrai que les chasseurs devront revoir leurs techniques de chasse désuètes non seulement pour s’adapter au retour d’un prédateur qu’ils avaient, ne l’oublions pas, exterminé au XIX ème siècle, mais aussi pour prendre en compte les avancées de la science qui démontrent que les animaux sont des êtres sentients dont il faut respecter la sensibilité et le bien-être.
« Il est temps que les acteurs de la forêt se mettent autour d’une table pour établir un plan de régulation du Loup » dit-il en substance. Et quid donc du statut de protection forte du Loup ? Certes, le lobby de la chasse fait des pieds et des mains pour tenter d’affaiblir le statut de protection du loup jusque dans les couloirs de la Commission Européenne, tant cet animal, pourtant une des clefs du rétablissement des équilibres agro-sylvo-cynégétiques, leur donne de l’urticaire. »
Nous aurions actuellement à ce jour en Wallonie, 19 loups résidents et quelques dispersants. Est-ce une « invasion » alors que nous les humains sommes 11 millions sur notre sol belge, que les sangliers dépassent sans doute en Wallonie les 60 000 individus après naissances, les cervidés 15 à 18000 et les chevreuils 60 à 80 000 ? La prédation de 500 à 1000 ongulés par an (source Paternotte) ne serait donc qu’une infime part (la part du Loup) par rapport aux populations vivant sur notre sol. Il faut raison garder et plutôt se réjouir qu’un prédateur vienne ainsi en renfort pour enfin s’attaquer aux surpopulations d’ongulés reconnues, par tous les acteurs tant des milieux politiques et scientifiques, que de la chasse et de l’environnement. N’oublions pas que la chasse est bien incapable de juguler ces surpopulations. Car, au-delà du discours où ils insistent sur la nécessité de contrôler les surdensités de sangliers, les chasseurs n’ont en réalité qu’un objectif : conserver leur « capital gibier ». Et pour ce faire, ils le nourrissent à coup de centaines de tonnes de céréales. De plus, ce « capital » est géré avec moult restrictions sur certaines catégories de gibier pour garder un maximum de génitrices.
Enfin, il est complètement faux d’affirmer que l’administration ne tient pas compte du loup dans les plans de tir, puisque dans les secteurs concernés (avec preuves l’appui) les quotas de tirs sont diminués de 15 % par le DNF.
Et pour mettre en lumière leur mauvaise foi, certains chasseurs n’hésitent pas à affirmer que « le loup aurait été relâché ».
Comme ces affirmations ne peuvent que les ridiculiser, il ne leur reste comme seuls arguments: le financier, beaucoup d’approximations et de manquements pour désinformer le public.
Notre collectif, regroupant plus de 80 associations a pour but de faire évoluer la loi sur la chasse afin qu’elle prenne en compte les diverses sensibilités de la société (bien-être animal, biodiversité, activités socio-récréatives en forêt).
Associations fondatrices :