Le statut du loup rabaissé en Europe, quel avenir pour les grands prédateurs wallons ?

Le mardi 3 décembre 2024 était votée par les 49 États membres de la Convention de Berne une proposition en faveur d’un déclassement du statut de protection du loup, le rétrogradant d’espèce « strictement protégée » à « protégée », faisant ainsi passer l’espèce comme “chassable” en Europe. Entre les adhérents éleveurs ou chasseurs, les associations pour la protection de l’environnement ou la défense des animaux et les scientifiques de l’administration, cette décision a fait couler beaucoup d’encre. Quel est l’état de la population lupine en Wallonie ? Quel sort la loi wallonne réserve-t-elle à ces grands prédateurs ? 

Un retour historique en Wallonie

Depuis quelques années, le loup est de retour dans nos forêts wallonnes après plus d’un siècle d’absence (dernier signalement datant de 1914). Après plusieurs observations d’un loup solitaire en automne 2016, il faut attendre janvier 2018 pour attester de la présence stable du loup, avec l’installation d’une première meute dans le Limbourg (Réseau Loup, 2024). 

Au gré des saisons, des arrivées et des départs, des naissances et des accidents malheureux, le loup est revenu naturellement dans notre pays. Contrairement à d’autres espèces disparues puis réintroduites accidentellement ou volontairement par l’homme, le loup a retrouvé seul le chemin de nos contrées. Ce n’est donc pas une réintroduction mais bien un retour spontané.

À ce jour, la Wallonie compte trois meutes établies de façon permanente ainsi qu’une trentaine de loups dispersants (ceux qui n’ont été détectés qu’une seule fois ou sur une période très courte avant de rejoindre d’autres régions).

Carte de présence du loup en Wallonie à partir de mai 2023

(Source : Réseau Loup, SPW avec la collaboration de Forêt.Nature)

Le renversement observé dans les populations lupines et autres grands prédateurs à l’échelle européenne est dû à plusieurs facteurs. Au fil du temps, ces espèces ont été de moins en moins persécuté grâce, notamment, au changement progressif des mentalités ainsi qu’à un soutien juridique. En effet, depuis 1992, le loup possède un statut de protection légal, inscrit dans la directive Habitats et la Convention de Berne à l’international (Koch, 2020).

L’importance écologique des grands prédateurs

Les retour des grands prédateurs chez nous, déjà vivement décrié, n’est pas qu’une question de conservation mais constitue bien une aubaine pour nos écosystèmes naturels et pour les services que ceux-ci rendent à l’Homme. Le cas du loup dans nos régions en est la preuve. Malgré la menace qu’ils font peser sur les élevages, ils contribuent à maintenir l’équilibre naturel et à soutenir la diversité de la vie sauvage. Il est donc non négociable de les protéger et de leur permettre de remplir leur rôle vital dans nos forêts européennes. 

En Wallonie, environ 50 000 animaux sont abattus chaque année par les chasseurs, laissant les forêts dépourvues de ces carcasses (WWF-Belgique, 2024). Contrairement à cela, les loups abandonnent leurs proies sur place, fournissant ainsi une source de nourriture pour d’autres espèces et favorisant la biodiversité. Par exemple, la mésange trouve dans ces restes de graisse une ressource précieuse, surtout en hiver.

Source : SPW – Réseau Loup

Les loups, aux côtés des lynx, jouent le rôle de régulateurs naturels des populations de prédateurs intermédiaires tels que les martres, les renards et les ratons laveurs. Cela permet à de plus petits animaux, comme les tétras lyres, de prospérer plus aisément.

La présence de loups pousse les herbivores à éviter les zones denses en bois mort et en petits arbustes, car ces endroits sont difficiles pour échapper aux prédateurs. Cela permet à la forêt de se régénérer sans être constamment piétinée ou broutée.

Des études aux États-Unis ont démontré que les herbivores évitent les zones proches des routes pour échapper plus facilement aux loups, réduisant ainsi le nombre d’accidents de la route impliquant des animaux sauvages. Cette diminution des accidents a permis des économies importantes pour les compagnies d’assurance, le bénéfice étant 63 fois supérieur au coût des compensations pour les pertes d’élevage causées par les loups.

Les loups, grâce à leur endurance, poursuivent leurs proies sur de longues distances, attrapant principalement les animaux malades, faibles ou âgés. Cette chasse sélective améliore la santé globale des populations d’herbivores, réduisant ainsi la propagation des maladies et renforçant l’écosystème.

A peine de retour et déjà menacés

Malgré leur retour réussi, la vie n’est pas simple pour les loups en Belgique. De toutes les portées, plusieurs louveteaux sont morts : rien qu’en Flandre, une dizaine ont déjà perdu la vie. En cause : les accidents de la route, principale menace pour les loups en Belgique. La Flandre, en particulier, est quadrillée de routes : on en compte cinq kilomètres par kilomètre carré, ce fragmente inévitablement leur habitat (WWF, 2022).

En Wallonie, fin mars 2024, c’est la dépouille de la louve Maxima (la femelle du couple à l’origine de la meute du Nord des Hautes-Fagnes) qui a été retrouvée, victime certaine d’une collision avec un véhicule (Réseau Loup, 2024). Cette disparition est symptomatique de la pression anthropique que subissent les grands prédateurs de retour au sein d’un territoire naturel belge qui s’est fragmenté.

D’autre part, le retour du loup dans des régions de l’UE où il était absent depuis longtemps et l’augmentation de ses populations dans de nouveaux territoires a entraîné des difficultés et des conflits avec les agriculteurs et les chasseurs, en particulier lorsque les mesures de prévention des dommages en cas d’attaques de bétail ne sont pas pleinement mises en œuvre. 

C’est la raison principale pour laquelle les grands prédateurs, aussi peu nombreux soient-ils, sont dans le viseur de plusieurs mouvements à l’échelle nationale et européenne depuis plus d’un an.

Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission européenne

Fin 2023, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait évoqué le “réel danger” du loup “pour le bétail et, potentiellement, pour l’homme” pour justifier sa  proposition aux États membres de l’UE de fragiliser le statut de protection du loup, et ce malgré l’absence de données scientifiques (Commission européenne, 2023). 

Ce mardi 3 décembre 2024, les 49 États membres de la Convention de Berne ont voté en faveur d’un déclassement du statut de protection du loup, le rétrogradant d’espèce « strictement protégée » à « protégée ». Cet assouplissement du statut de protection du loup, qui entrera en vigueur dans trois mois, permet aux gouvernements européens de disposer d’une plus grande marge de manœuvre pour autoriser la chasse du loup dans les territoires où ils seraient jugés trop nombreux. Le loup devient désormais « chassable », alors qu’auparavant, une dérogation était nécessaire pour abattre un individu.

Le Conseil de l’Europe précise toutefois que la décision reste soumise à une possible opposition. « Si moins d’un tiers des parties (17) s’y oppose, la décision entrera en vigueur uniquement pour les parties qui n’ont pas formulé d’objections ».

De vives réactions après cette décision

Côté partisans de la proposition, on trouve les éleveurs et les chasseurs. Pour les premiers cités, ce déclassement est un soulagement, car il facilitera les abattages. « La coexistence avec les activités humaines, notamment l’élevage, est de plus en plus difficile« , justifie l’Union européenne dans sa proposition.

Plus  importante association de promotion et de défense de la chasse, le RSHCB (Royal Saint-Hubert Club de Belgique) a déjà pris la parole à ce sujet dans un billet d’humeur rédigé par Monsieur Guy Paternotte et paru dans le numéro de février de leur revue « Chasse & Nature ». Entre mauvaise foi, chiffres faussés et arguments financiers, la menace pour le loup se confirme quand on voit l’aversion dont certains chasseurs font déjà preuve envers ce nouveau prédateur, qu’ils considèrent comme leur concurrent.

Article demandant la régulation du loup dans la revue de février de la revue « Chasse & Nature » du Royal Saint-Hubert Club de Belgique

Côté opposants du déclassement du loup, des associations et scientifiques s’inquiètent des conséquences de cette décision. Lionel Delvaux, directeur Politique et Plaidoyer chez Natagora, indique que la chasse ne réduit pas les attaques de bétail, mais a plutôt tendance à les exacerber, en perturbant la dynamique des meutes selon certaines recherches. Constat partagé par Jean-Luc Valérie, cofondateur de l’Observatoire du loup en France, qui estime que ce déclassement n’aura « aucune conséquence positive sur le bétail des éleveurs ». Pour favoriser la coexistence entre les loups et les humains, tous deux appellent à privilégier des mesures de prévention comme l’installation de clôtures de protection.

Levée de boucliers également suscitée chez plusieurs ONG de défense des droits des animaux, dont One Voice, qui avertissent de l’illégalité de la proposition de l’UE « manquant de justification scientifique, et violant les principes de participation démocratique« . Cette proposition « s’appuie sur certaines informations fournies par un rapport unique, non révisé par des pairs, produit par un cabinet de conseil dans le cadre d’un contrat de service, sous-traité et financé par la Commission européenne » déclarent-elles dans une lettre adressée au secrétaire de la Convention de Berne Mikaël Poutiers à la fin novembre. 

Au niveau de l’administration, le porte-parole du SPW Nicolas Yernaux explique que le Plan Loup de la Région Wallonne prévoit déjà la possibilité de déroger au statut d’espèce protégée dans certains cas précis (“un loup qui se spécialiserait dans les animaux d’élevage et n’irait même plus chercher à manger dans nos forêts alors qu’elles sont pleines de gibier, ou bien dans le cas d’une attaque envers l’homme”). Même si aucun loup n’a jamais été abattu en Belgique, selon lui, l’abaissement du statut de cette espèce généralise ce que la Wallonie pratique déjà par dérogation.

La suite en Wallonie ?

Anne-Catherine Dalcq, Ministre de l’Agriculture et de la Ruralité, en charge de la Forêt, de la Nature, de la Chasse et de la Pêche

Questionnée directement à ce sujet en séance plénière, la Ministre wallonne de l’Agriculture et de la Ruralité Anne-Catherine Dalcq s’est montrée rassurante pour la situation wallonne. Premièrement, elle rappelle que le nombre de loups en Wallonie (20-25 loups) ne permet pas encore d’atteindre un statut de conservation favorable, condition nécessaire pour autoriser tout abattage selon les lois européennes. Ensuite, elle précise que la directive Habitat doit être modifiée pour que le déclassement soit applicable à l’UE, ce qui prendra sans doute plusieurs mois. Enfin, la Ministre insiste sur le fait qu’elle veut continuer à favoriser la cohabitation via des moyens déjà présents dans le plan Loup.

Tout d’abord, c’est une décision qui a été prise au niveau du Conseil de l’Europe. Elle n’implique pas dès à présent l’Union européenne, puisqu’il s’agit d’une modification au niveau de la Convention de Berne qui se situe au niveau du Conseil de l’Europe. Pour que ce soit applicable à l’Union européenne, il faut que les annexes de la directive Habitat soient modifiées. Cela peut prendre plusieurs mois. La directive Habitat stipule que si l’on veut avoir plus de souplesse, il faut avoir un statut favorable de présence du loup. Or, ce n’est pas le cas chez nous. Nous sommes en statut défavorable, puisque nous avons 20-25 loups présents en Wallonie. Il y a des dérogations s’il y a des situations problématiques. On peut chasser dans des situations très précises : s’il y a des attaques sur l’humain ou s’il y a des attaques répétées sur des troupeaux, même s’il y a eu effarouchement au préalable. C’est signe d’un comportement anormal, parce que normalement, un loup attaque une fois un troupeau, puis se déplace et va attaquer ailleurs – on l’espère dans la forêt, mais parfois, cela se reproduit sur un troupeau. Ma vision, c’est de continuer à mettre en place des moyens pour une cohabitation optimale entre les loups et l’élevage, et cela via des moyens financiers et humains qui sont déjà présents dans le plan Loup.

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